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Rapport 600K BRM

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Rouler 600km en moins de 40h n’est pas anondin.

Je pensais être largement capable de valider la mission, mais j’ai vraiment dû puiser dans mon mental pour terminer.

Pourquoi ?

Je rêve de participer à Paris-Brest-Paris depuis quelques années. L’inscription requière de compléter une série “Super Randonneur”. 200km, 300km, 400km, et 600km.

Ce dernier 600km était donc la pierre manquante à l’édifice. Les BRM (Brevet des Randonneurs Mondiaux) sont organisés par les fédérations locales de chaque pays et validés par l’Audax Club Parisien qui organise Paris-Brest-Paris.

Cela dit, en Finlande, nous sommes autorisés à auto-organiser nos propres BRMs. Il y a peu de monde, des conditions pas toujours faciles, et une fenêtre de tir assez restreinte pour compléter la série.

Cette année, j’ai complété mes 4 BRMs en auto-organisation. Le 200 dès que possible, lorsque la neige a fondu. Le 300 avec mon compagnon de BRM, Matthieu. Le 400 était un 200 solo de nuit, suivi d’un BRM organisé avec un record de participation. Puis le 600, lors du dernier week-end de Mai.

La route

J’avais décidé de ne pas me mettre en péril et de choisir un tracé relativement plat. Le but étant de répliquer le plus possible le tracé de PBP. L’élévation de PBP sera autour des 10 000m, j’ai donc visé environ 5000m. Je me suis retrouvé à 4450m. Très similaire à PBP. Ça monte, ça descend. Et avec une forte possibilité de vent de face pendant la moitié du trajet.

Je suis donc parti d’Helsinki en direction de Turku, pour remonter jusqu’à Rauma, puis demi-tour et retour vers Helsinki.

Pour répliquer PBP, j’avais aussi décidé de partir dans l’après-midi pour passer 2 nuits dehors. Départ vers 16h après une journée de travail.

C’est parti

Bien entendu, tout ne s’est pas passé comme prévu.

L’objectif était de finir en 30h. 24-25h de pédalage. 5-6h de repos.

Contrat remplir pour le pédalage. 25h24min sur le vélo. Mais j’ai passé nettement plus de temps à me reposer que prévu.

Lohja

Départ à 15h40. Direction Lohja. 77km. J’arrive en 3h25min. Vent de face. Je suis dans les temps, tout va bien. Je m’arrête au K-Market et je suis accueilli par une porte de prison. L’une des contraintes des BRMs est que l’on doit faire tamponner une sorte de passeport. Une carte jaune avec des points de contrôle. On essaye d’espacer les points de contrôle de 50 à 120km pour avoir une idée du tracé sans forcément avoir accès à la trace GPS. La gentille dame du K-Market a décidé qu’elle n’allait pas chercher son tampon. Pas de soucis. Je n’achète rien chez elle et je vais à Prisma à côté. Je suis reçu avec un grand sourire et plein de questions. Le vélo est quand même bien chargé et pas commun. Ça fait parler les curieux !

Salo

Prochaine étape, Salo. 154km. 6h55min. Je suis toujours dans les temps.

Je planifie généralement 5h/100km. Donc 150km en 7h, on est bien. Je m’arrête chez Subway. Il est 23h. La ville est très active. Un gros sandwich, un peu de repos et on se remet en route. La fatigue commence à se faire sentir. Il me tarde d’arriver à Turku et d’essayer de trouver un endroit pour dormir.

Turku

214km en 10h40m. Toujours dans les temps en arrivant à Turku. Mais là il faut dormir. Il est 2h du mat. Je pourrais dormir n’importe où en fait. Problème… J’arrive à Turku Satashell. La station service du centre ouverte 24h/24. Et comme c’est le centre-ville, il n’y a évidemment aucun endroit pour dormir. Il y a bien un hotel en face mais bon… 80€ pour dormir 2h, pas vraiment rentable. En tout cas, c’était mon opinion à ce moment.

L’hotel se trouve au dessus d’un Hesburger et la réception se trouve dans le Hesburger. Jamais vu ça… bizarre. J’entre et je demande si je peux manger quelque chose et m’allonger un peu pour deux heures. Je discute un peu, le personnel me prend pour un cinglé. Ils ont peut-être raison. Mais ils compatissent et me laisse m’allonger sur un banc jusqu’à la fermeture à 4h.

A 3h40, on me réveille, c’est l’heure de partir. 1h de sommeil… pas top mais je ne me plains pas. Il fait déjà jour, alors je me remet en route.

Assez rapidement. je me rend compte que j’ai besoin de dormir un peu plus. Sans blague… Je vois une usine de palette avec des centaines de palettes exposées dehors… Ça serait pas mal de dormir sur un palette… un peu surélevé. À l’abris des animaux. Mouais… j’ai loupé l’entrée, pas grave, on va trouver autre chose.

Quelques kilomètres plus loin, je vois un Grilli. À 4h48, il y a pas grand monde. Il y a une terrasse. Une petite caméra de surveillance. Je monte le vélo sur la terrasse, je sors le bivvy et je m’endors. Une alarme à 6h pour repartir.

14h20min 234km… Là je commence à perdre du temps. Mais avec la nuit, c’est normal.

Uusikaupunki

Prochain objectif, Uusikaupunki. 289km, 18h…

En principe à 300km, je devrais être à 15h.

Ça fait maintenant 290km que j’ai le vent dans le nez. Je commence à en avoir vraiment ras le bol. Il faut trouver une solution. Le mental est en train d’en prendre un coup. Je fais des calculs.

Ma route devrait faire un total de 320km. 20km de trop. Qu’est-ce qu’on fait… Je décide de ne pas aller à Rauma, et de prendre à droite en direction de Laitila à 20km. Donc je coupe. Uusikaupunki-Rauma, c’est 35km. Rauma-Laitila c’est 35km aussi. Donc je coupe 70km, moins 20km entre Uusikaupunki et Laitila = 50km, moins 20km en trop = 30km. Il va donc falloir rentrer à la maison, et une fois à Helsinki, faire une boucle de 30km pour compléter les 30km manquants. Je valide.

Direction Laitila, facile. Aucun soucis. On avance. Et j’ai enfin le vent dans le dos. Je commence à me rendre compte qu’avec la fatigue, j’ai beaucoup envie de m’arrêter. J’essaye de bien m’hydrater. La selle me fait un peu mal aux fesses… j’ai pris la décision aberrante de partir avec une selle quasi neuve. J’étais au courant que c’était probablement une mauvaise idée, mais je l’avais déjà testé sur 100km et tout s’était bien passé. La douleur n’est pas insurmontable, mais je m’en passerais bien. Et surtout comme c’est une selle Brooks B17 en cuir, je sais qu’elle a besoin de quelques centaines de kilomètres de route pour se former à mon arrière-train.

Je passe Laitila. Et je commence ma descente plein sud. Le vent vraiment dans le dos. Belle route. Un peu de gravier. Un peu d’autoroute… Un peu trop de gravier.

J’arrive à Mynämäki. C’est l’heure de la grosse pizza. Mais honnêtement j’ai pas hyper faim. J’ai pris un gros petit-déjeuner à Uusikaupunki. Peu importe, je sais que je dépense énormément d’énergie et que c’est impossible de consommer autant que je brûle. Donc je mange presque toute ma pizza.

Turku

Encore un petit sprint jusqu’à Turku. Arrêt glace rapide et on repart.

Point timing: 23h15 et 375km. On devrait plutôt être à 18-19h +2h de sommeil. Donc un peu de retard mais rien de bien grave. Il reste 225km.

Typiquement quand je regarde le compteur et qu’il me dit qu’il reste 225km, je suis rassuré. Des 200km, j’en ai fait une quinzaine au moins. Donc ça ne me fait pas du tout peur. En revanche. Je vois l’heure défiler. Et je n’ai pas vraiment envie de passer une deuxième nuit dehors. Mon objectif initial était d’arriver à la maison vers 1h ou 2h. Mais là je suis sur une trajectoire un peu différente.

23h15, ça veut dire qu’il est 15h00. Et s’il reste 225km, ça veut dire qu’il reste au moins 10h-11h à rouler. Plus un peu de repos.

Et là c’est le début des ennuis.

Sur les 225km restant j’ai du adapter et changer mon itinéraire plusieurs fois pour éviter de passer dans le gravier. L’avantage, c’est que, petit à petit, je suis en train de récupérer les 30km perdus à cause du demi-tour avant Rauma.

Les chemin de terre et de gravier, c’est parfois sympa. Mais il est impossible de savoir si ça sera de la terre bien tassée, ou du gravier un peu meuble, ou carrément des cailloux bien coupant.

Et là pour le coup, j’ai eu le droit à quelques sections de cailloux bien coupant. Je roule en tubeless, donc je suis un peu moins sensible aux crevaisons, mais ça peut toujours arriver.

Et ça tombe bien… ça faisait pratiquement 3 ans que ça ne m’était pas arrivé… petite crevaison. Je passe à Salo et au kilomètre 450, je me rend compte que mon pneus arrière se dégonfle.

J’inspecte le pneu. Ça bulle. C’est le préventif qui s’échappe. Je ne sais pas trop quoi faire… si ça bulle, ça veut dire que le préventif ne fait pas le boulot. Normalement il doit boucher le trou et empêcher l’air de s’échapper. J’essaye de pomper un peu pour voir ce qu’il se passe. Ça à l’air de tenir.

J’ai encore plusieurs filets de protection. Une bombe Zefal avec de la mousse et de l’air comprimée pour boucher le trou. Des mèches pour boucher les trous sur les pneus tubeless, jamais utilisé… peut-être que je pourrais m’entrainer sur un vieux pneu. Des patchs en kevlar pour réparer le pneu. Et enfin si je n’arrive vraiment pas à réparer, deux chambres à air standard.

Pakkila

Aller on continue jusqu’à Pakkila. Pas franchement un lieu très connu, mais il y a une station service ABC qui ferme à minuit. Et donc avec le temps qui passe, je commence à stresser. Il faut arriver avant la fermeture. J’appuie un peu sur les pédales pour arriver avec suffisamment d’avance pour pouvoir faire tamponner mon passeport et acheter à manger. Je dois aussi impérativement prendre de la caffeine d’une manière ou d’une autre. Toujours pas habitué à boire du café, mes options sont assez limitées. Ça sera un Nocco. Pas de chance, il n’y a pas mon goût favori. À ce niveau d’inconfort, il n’y a plus grand chose qui me gène. On fait avec.

Retour à la maison

Il me reste 50km pour rentrer à Malmi, et une petite boucle de 13km pour compléter les 600km. La fatigue devient insurmontable. Mon allure se réduit de plus en plus. J’ai dormi 2h en 36h. Encore quelques côtes. Je décide de les faire à pied. Ma vitesse moyenne chute de 24-25 à 20 puis 18km/h

J’arrive enfin à Bemböle. Je me dis que je pourrais m’allonger sur le banc derrière le petit café. Manque de bol, c’est habité. Je n’avais aucun idée qu’il y avait quelqu’un qui vivait dans cette maison. Donc je préfère m’éclipser et chercher un autre endroit.

À aucun moment, je n’ai réalisé que j’étais vraiment très très prêt de la maison… Je continue de chercher. J’arrive à un banc entre Malminkartano et Kannelmäki et je prend la décision complètement incohérente de m’allonger pour me reposer un peu. Je met une alarme pour me réveiller une heure plus tard… Et je me réveilles quelques minutes plus tard transi de froid. Il fait 3 degrés. 🤦‍♂️

Là je me fait violence. Il faut tout simplement rentrer. Je pousse encore le vélo dans les côtes. J’arrive à Malmi. Je fais ma boucle. Je tamponne mon passeport. Je rentre à la maison. Je m’écroule dans le lit. Il est 5h du mat.

600km 37h15min total. 25h24min sur le vélo.

Bonne nuit les petits.

By Marc Olivier Meunier

Marc has spent the past few years putting oil on the fire of a hyper growth ad tech company. At Smartly.io he was in charge of scaling the support and its culture. At Eficode he is now leading an engineering team and running operations. He leads by example and puts a lot of emphasis on diversity and inclusion, constantly working to create a safe environment. A warm leader with a passion for memorable experiences and innovation.
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